EDEL ROBERTEugénie LALLEMAND
Salomon Zilber est né le 20 janvier 1904 à Skaudvilé en Lithuanie. Travail réalisé par une classe de 2nde du Lycée français Prins Henrik de Copenhague au Danemark, sous la direction de Madame Lechat et de Monsieur Terrasson.
Introduction au projet
Nous sommes une classe de 2nde du Lycée français Prins Henrik de Copenhague au Danemark. Depuis la fin du mois d’octobre 2018, nous avons effectué des recherches sur un déporté juif afin de rédiger sa biographie pour l’association Convoi 77 qui souhaite faire connaître au public la vie de déportés partis par le dernier convoi, depuis Drancy vers Auschwitz en juillet 1944. Pour étudier la vie de ce déporté, Salomon Zilber, nous avons pu nous appuyer sur les informations fournies par Convoi 77 qui nous a donné accès à de nombreuses archives. Avec toutes ces informations nous nous sommes réparti le travail en plusieurs groupes pour être plus efficaces : pays de naissance, famille, vie en France, arrestation, trajet après la libération et vie après la Guerre. Outre les archives, nous avons aussi pu nous aider d’Internet. Enfin, un groupe a contacté les membres de la famille de Salomon Zilber, un autre groupe l’association Fils et Filles des Déportés Juifs de France, et enfin un troisième une entreprise où il a travaillé.
Famille de Salomon Zilber
Salomon Zilber, est né le 20 janvier 1904 à Skaudvilé, en Lituanie. “J’ai acquis la nationalité Française par le décret paru dans le Journal Officiel le 7 Janvier, 1949”. Et il a obtenu son passeport français le 24 mars de la même année (Source 1 – Demande d’indemnisation). On est donc conduit à supposer qu’il n’avait pas la nationalité française avant. Ensuite il a habité à Tel-Aviv, en Israël, jusqu’à sa mort. Il avait un frère du nom de Moshe Zilberg qui a été juge à la Cour suprême d’Israël (Source 1 – Demande d’indemnisation). Son père s’appelait Asné Zilber et sa mère Hilel Zilber, “tués par les nazis en Lituanie en 1941” (Source 2 – Demande d’attribution 2). Salomon se maria en 1954 en Israël (Source 1 – Demande d’indemnisation 2). Il aurait eu deux enfants sur lesquels nous n’avons pas de renseignements (Source 1 – Demande d’indemnisation). Afin d’obtenir plus d’informations, nous avons essayé d’entrer en contact avec Arlette Zilberg, que nous pensions être la nièce de Salomon Zilber. Cette dernière nous a indiqué, en effet, que son oncle avait survécu à la guerre mais n’avait pas, en réalité, été interné à Drancy alors que Salomon Zilber déclare le contraire (Source 1 – Demande d’indemnisation). Nous n’avons pas réussi à savoir s’il s’agissait du même Salomon ou s’il y avait une confusion sur le nom. Par la suite, nous n’avons pas réussi à obtenir davantage d’informations de la part de Madame Arlette Zilberg qui n’a manifestement pas souhaité donner suite à nos échanges. En outre, nous n’avons pas trouvé d’informations significatives sur la vie de Salomon Zilber en Lituanie et son arrivée en France.
Vie de Salomon Zilber à Nice avant son arrestation
En France, Salomon Zilber a habité à Nice chez une famille (6 rue de Bonaparte) jusqu’en 1944. Il travaillait en tant qu’employé de bureau pour “l’American Lloyd/Palestine et Orient Lloyd”, une entreprise de voyage fondée en 1933, dont l’agence à Nice se trouvait au 16 Boulevard Joseph Garnier (Source 3 – Demande d’attribution du pécule). Nous n’avons pas plus d’informations sur son emploi car l’entreprise nous a indiqué ne pas avoir d’archives sur cette période. Avant son arrestation, il était sur le point de se marier avec mademoiselle Renée T. (nom de famille illisible) selon les ”minutes du greffe de la Justice de Paix du neuvième arrondissement de la ville de Paris” (Source 4 – Minutes du greffe 1).
Arrestation de Salomon Zilber
“En juillet 1944, je fus arrêté par la Gestapo, à Nice, transféré à Drancy et déporté, le 31 Juillet 1944, au camp de concentration d’Auschwitz. Je fus libéré par les Russes fin Janvier 1945, mais rapatrié en France seulement le 10 Mai 1945” (Salomon Zilber, Tel Aviv, le 24 Janvier 1956, dossier d’indemnisation aux déportés. Source 1 – Dossier d’indemnisation). Si Alois Brunner, officier SS, a organisé de nombreuses rafles, c’est-à-dire des arrestations massives de Juifs, à Nice fin 1943 et début 1944, Salomon, lui, ne fut donc pas arrêté durant ces rafles. Selon le Ministère des Anciens Combattants et Victimes de Guerre, son adresse légale à Nice était le 34 Rue de l’Impératrice chez une certaine Madame Bailet. Une chose est certaine, c’est que Salomon Zilber a été arrêté le 5 juillet 1944 sous le nom de Henri Raybaut, à Nice. Il est arrivé au camp de transfert de Drancy le 10 juillet 1944 puis a été déporté dans le convoi 77 pour arriver au camp d’Auschwitz le 31 Juillet 1944 (Source 2 – Demande d’attribution 3).
Selon les documents d’attribution du pécule aux déportés ou internés politiques des archives du Ministère des Anciens Combattants et Victimes de Guerre, il habitait chez une certaine Aline Raybaut, avant son arrestation et prétendait être son mari. Suite à une dénonciation, il s’est fait arrêter par la Gestapo parce qu’il était juif et Aline Raybaut s’est fait arrêter également parce qu’elle le cachait (Source 3 – Demande d’attribution du pécule).
Trajet de Salomon Zilber Auschwitz-Odessa-Marseille
Après l’internement de Salomon Zilber à Auschwitz sur lequel on ne sait rien, celui-ci a parcouru un long périple jusqu’à Odessa. Le témoignage de Louis Suarez intitulé “1939-1945 Sept années volées à ma jeunesse : Un soldat français en Prusse”, 2013, écrit par Marie-Ange Bartholomot Bessou, pourrait nous permettre de penser que S. Zilber a parcouru à peu près le même trajet. Louis Suarez a en effet été arrêté en Prusse Orientale pour ensuite être déporté vers un camp de concentration. Pendant les marches de la mort, avec l’avancée de l’armée russe, à la fin de la Seconde Guerre mondiale, les nazis ont déplacé les prisonniers vers l’Ouest en les obligeant à marcher dans le froid, en plein mois de janvier. Mr. Suarez a été ensuite délivré par l’Armée rouge. Après cela, il a été transporté, par les Russes, à différents endroits par train, et a abouti à Odessa, où s’est organisé le rapatriement de certains déportés.
Salomon Zilber était prisonnier au camp d’Auschwitz et a donc peut-être subi un sort semblable, y compris une des marches de la mort depuis Auschwitz-Birkenau. Les prisonniers d’Auschwitz devaient marcher vers l’Ouest, jusqu’à Loslau dans ce cas (en Pologne). Peu après, le camp fut libéré par les Alliés (Russes et Américains) suite à la capitulation des nazis. Quelques prisonniers libérés à cet endroit ont été transportés à Kiev en Ukraine et, de là ils ont été emmenés à Odessa d’où ils sont partis vers Marseille. Nous savons que Salomon Zilber a pris un bateau d’Odessa pour aller à Marseille, où il est arrivé le 10 mai 1945 (Source 5 – Rapatriement).
La vie de Salomon Zilber après 1945, Nice et Tel Aviv
Salomon Zilber a été rapatrié à Marseille le 10 mai 1945 et a ensuite vécu à Nice, selon sa carte de déporté politique, jusqu’à son départ pour Israël en 1951. Il s’est alors installé au 14 rue Hakovshim à Tel Aviv (Source 6 – Tel Aviv). Il a obtenu une carte française de déporté politique, sur laquelle nous avons trouvé son adresse, datant du 10 décembre 1956 (Source 7 – Carte de déporté). Il a aussi probablement reçu en 1958, un pécule de 12 000 francs de l’État français (Source 8 – Attribution d’un pécule). En effet, selon l’article 2 du décret n°53-103 du 14 février 1953 portant sur l’attribution d’un pécule aux déportés et internés politiques (Source 9 – Journal Officiel), le montant fixé pour les déportés politiques, comme l’a été désigné S. Zilber, est de 1 200 francs par mois d’internement ou de déportation. Salomon Zilber fut interné pour environ dix mois, on peut donc se demander pourquoi il a une première fois refusé cette somme, la jugeant “minime, quasi insignifiante” (Source 8 – Attribution d’un pécule), comme c’est écrit dans une lettre de l’ambassadeur français en Israël adressée au Ministre français des Affaires étrangères que l’on retrouve dans ses archives de déporté politique (numéro 119922347, Source 8 – Attribution d’un pécule). Dans ces archives, beaucoup de documents concernent sa demande d’indemnisation entre 1956-1958. S. Zilber a aussi précisé qu’en 1954, il s’est marié à Tel Aviv avec une personne dont on ignore le nom. Nous n’avons pas pu trouver plus d’informations sur sa vie familiale ou ses activités en Israël.
Les difficultés rencontrées dans nos recherches
Nous avons rencontré des difficultés dans nos recherches, au niveau de la concordance de nos sources sur le sujet du possible décès à Auschwitz de Salomon Zilber. Une source, fournie par Yad Vashem” nous indiquait sa mort pendant la Shoah. Elle affirmait : “Salomon a été assassiné pendant la Shoah” (Source 10 : Yad Vashem). Nous sommes donc partis sur l’idée que Salomon Zilber n’avait pas survécu à sa déportation. Puis les archives fournies par l’association Convoi 77 nous indiquaient que Salomon Zilber avait vécu à Tel-Aviv après sa déportation à Auschwitz. Par ailleurs nous avons aussi pris contact avec sa supposée nièce Arlette Zilberg qui nous a affirmé qu’il n’était pas mort pendant son séjour à Auschwitz : “Salomon Zilberg a heureusement survécu à la guerre”. Cette source est cependant problématique pour nous, notamment parce qu’il y a une différence dans le nom de famille de sa nièce qui comporte un “g” et elle écrit “Salomon Zilberg” et non Zilber. C’est pourquoi cette source n’est pas certaine. Au final nous avons trouvé qu’il a survécu, et nous avons donc redirigé nos recherches sur sa vie après Auschwitz.
Sources
Source 1 : Demande d’indemnisation, lettre adressée par Salomon Zilber, le 24 Janvier 1956 depuis Tel Aviv adressée au Ministère des Anciens Combattants et des victimes de la guerre.
Source 2 : Demande d’attribution du titre de déporté politique, formulaire du Ministère des Anciens Combattants et des victimes de la guerre, concernant Salomon Zilber, en vue de l’attribution d’un pécule.
Source 3 : Demande d’attribution du pécule aux déportés ou internés politiques, formulaire du Ministère des Anciens Combattants et des victimes de la guerre, concernant Salomon Zilber, en vue de l’attribution d’un pécule.
Source 4 : Minutes du greffe de la Justice de Paix du neuvième arrondissement de la ville de Paris.
Source 5 : Rapatriement, lettre de Salomon Zilber écrite à Tel Aviv le 8 octobre 1956 adressée au Ministère des Anciens Combattants et des victimes de la guerre, Bureau des déportés et des statuts divers de la Direction des Statuts et des services médicaux.
Source 6 : Tel Aviv, immeuble du 14 rue Hakovshim, adresse de Salomon Zilber à Tel Aviv, photographie prise en capture d’écran sur le site Google View en décembre 2018
Source 7 : Carte de déporté de Salomon Zilber, issue de la Fédération nationale des déportés et internés patriotes.
Source 8 : Attribution d’un pécule, lettre de Salomon Zilber adressée depuis Tel Aviv le 10 septembre 1957 au Ministère des Anciens combattants et des Victimes de guerre.
Source 9 : Journal Officiel, Article 2 du décret n°53-103 du 14 février 1953 portant sur l’attribution d’un pécule aux déportés et internés politiques, publié sur le site Legifrance.gouv.fr.
(https://www.legifrance.gouv.fr/jo_pdf.do?id=JORFTEXT000000507740&pageCourante=01544)
Source 10 : Yad Vashem, page du site de Yad Vashem attestant que “Salomon a été assassiné pendant la Shoah”. (https://yvng.yadvashem.org/nameDetails.html?language=fr&itemId=3232723&ind=2)
– Deux élèves du Lycée International Français de Vilnius, en Lituanie
Salomon Zilber, 1904-1989
La biographie de Salomon Zilber a été étudiée par un groupe de deux élèves du Lycée International Français de Vilnius, en Lituanie, où Salomon Zilber est né. Mais nous ne sommes pas les premiers à avoir travaillé sur cette biographie : une première biographie a déjà été rédigée par les secondes du lycée Prince Henrik de Copenhague, avec déjà beaucoup d’informations sur la période 1943-1958. S’occupant de tous les déportés d’origine lituanienne, notre lycée a repris le dossier, avec pour objectif de compléter la biographie en amont – la vie de Salomon Zilber avant 1943 – et en aval, après 1958. Pour ce faire, nous avons fait des recherches sur la ville d’origine de Salomon Zilber, Skaudvilė, son frère, une célébrité en Israël, et pris contact avec des parents de la famille maternelle de Salomon via des sites de généalogie, où ceux-ci sont actifs.
Sources:
Nous disposions donc:
- de la première biographie rédigée par les secondes du lycée Prince Henrik de Copenhague (https://convoi77.org/deporte_bio/salomon-zilber/);
- du dossier d’ancien déporté de Salomon Zilber, conservé par le SHD à Caen; il contient quelques informations sur la vie de Salomon à Paris de 1930 à 1940;
- des archives du JDC (Jewish Distribution Committee) publiées sur son site, notamment les listes de colis envoyés en France en 1945-1946 aux rescapés de la déportation;
- d’un extrait du carnet de fouille de Drancy, publié par le Mémorial de la Shoah;
- de mails de parents de Salomon (famille maternelle) qui ignoraient son existence, mais qui ont lancé des recherches sur les sites généalogiques israéliens pour nous aider et retrouver la trace de Salomon à Tel Aviv;
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du dossier de naturalisation, conservé aux Archives Nationales;
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de la transcription de l’acte de mariage de Salomon Zilber par les services consulaires français de Tel Aviv en 1951, conservée par le Service Central d’Etat Civil à Nantes
- d’un livre très important sur les communautés juives de Lituanie avant la Shoah, notamment à Skaudvilė: le livre de Nacy Shoenburg, Lithuania Memorial Book. Lithuanian Jewish Communities, publié en 1942, puis republié sur Internet dans la David and Sylvia Steiner Yizkor Book Collection (Steven Spielberg Digital Yiddish Library).
Skaudvilė, un shtetl de référence en Lituanie
Salomon Zilber est né le 20 janvier 1920 1904 à Skaudvilė, en Lituanie, qui fait alors partie de l’empire russe. Au Moyen Âge et à l’Époque Moderne, la Lituanie représentait un très grand territoire, de la mer Baltique à l’Ukraine, et les Juifs y étaient bien accueillis car leur commerce et leur artisanat contribuait au développement du pays, alors qu’ils avaient été chassés de bien des pays européens comme l’Espagne. C’est pourquoi la Lituanie et plus généralement toute la partie occidentale de l’empire tsariste russe (qui a annexé la Lituanie à la fin du XVIIIe siècle) abritent à l’époque une population juive très importante. Vilnius est même surnommée la “Jérusalem du Nord”, mais la vie culturelle juive est brillante dans bien d’autres shtetl (bourgs ou quartiers juifs) de Lituanie, comme Skaudvilė.
Skaudvilė est une petite ville du centre de la Lituanie, qui a brûlé plusieurs fois pendant l’Entre-deux-guerres. Par conséquent beaucoup de documents de Skaudvilė ont disparu, comme les registres juifs de naissance. Mais nous savons que la mère de Salomon s’appelait Osnat et était née en 1873, et que le père s’appelait Hilel et était né en 1869. Ils formaient sans doute un couple de commerçants ou d’artisans: dans la ville il y avait à peu près 2000 habitants, Juifs pour la moitié, souvent des artisans et des marchands.
Le bourg n’était pas très riche, mais les organisations juives y étaient très actives, notamment les organisations d’entraide comme l’Agudat, dont Hilel Zilber est l’un des contributeurs en 1913. Skaudvile était surtout réputée dans le monde juif pour ses écoles et sa yeshiva – son centre d’étude de la Torah et du Talmud. Moshe, le grand frère de Salomon né en 1900, s’y est révélé un élève surdoué, un prodige, avant d’être envoyé vers d’autres yeshivas, puis en 1920 vers les universités allemandes de Francfort et de Marbourg: son nom de famille y a été transcrit du cyrillique russe vers l’alphabet latin “Zilberg” et non pas “Zilber”. Devenu avocat, Moshe Zilberg est parti en Palestine dès 1929, et a été très actif dans les organisations sionistes qui voulaient y créer un État juif indépendant.
Plusieurs autres habitants de Skaudvilė sont partis en Palestine pendant l’Entre-deux-guerres: la majorité des jeunes Juifs de la ville adhéraient à des organisations sionistes pendant cette période. Le sionisme, c’est le mouvement pour la création d’un foyer national juif en Palestine, la terre de l’antique Israël. Ce mouvement s’est développé à la fin du XIXe siècle en Europe, en réaction aux persécutions dont les Juifs faisaient l’objet, que ce soit à l’Est ou à l’Ouest. À l’Ouest, l’affaire Dreyfus en France a fortement inspiré Theodor Herzl, le fondateur du sionisme. À l’Est, la situation des Juifs s’est dégradée après l’intégration de la Lituanie dans l’empire russe, où plusieurs mesures anti-juives ont été prises. Après l’assassinat du tsar Alexandre II en 1881, une vague de pogroms a même éclaté, avant que plusieurs autres massacres aient lieu jusqu’à la veille de la Grande Guerre. Même si la Lituanie d’aujourd’hui (un territoire beaucoup plus petit que la Lituanie d’autrefois) a été épargnée par ces pogroms, nombre de Juifs en sont partis, suivant l’exemple de plus de deux millions de coreligionnaires de l’empire russe entre 1881 et 1914.
Salomon Zilber à Paris
Salomon Zilber est sans doute lui aussi passé à Skaudvilė par les écoles juives réputées et le militantisme sioniste. Mais lui est parti à Paris en juin1925, où il travaille à partir de 1930 au plus tard au sein de l’agence américaine de voyage Lloyd Palestine & Orient : une agence de voyages pas tout à fait classique, qui promeut différents séjours au Proche Orient mais aussi le sionisme. L’agence est située au 7 rue Auber, dans le neuvième arrondissement. En 1936, Salomon Zilber est recensé au 8, rue de Lille, dans le septième arrondissement.
L’Exode et le passage à la clandestinité
En 1940, quand l’armée allemande envahit la France et s’approche de Paris, l’agence ferme ses portes et Salomon Zilber rejoint les cortèges de l’Exode, quand huit à dix millions de Français fuient vers le Sud. Salomon arrive à Bordeaux. Nous ignorons s’il a songé à revenir à Paris, mais les Allemands ont souvent refoulé les Juifs qui tentaient de revenir dans la zone occupée après l’armistice.
Finalement Salomon Zilber s’installe à Nice, au 34, rue de l’Impératrice, chez une certaine Mme Bailet. Il n’a pas de travail déclaré. Il finit par passer à la clandestinité, en se cachant à une autre adresse, mais on ne sait pas quand. La ville n’est pas en zone occupée, mais n’est pas tout à fait à l’abri des rafles de Juifs, puisque le 26 août 1942, six semaines après la rafle du Vel d’Hiv à Paris, la police de Vichy arrête dans la zone libre 6 584 Juifs étrangers et apatrides, dont la majorité seront envoyés à Drancy puis à Auschwitz. À Nice, plus de 1000 Juifs sont arrêtés ce jour-là ; 560 seront envoyés à Drancy.
Mais il n’est pas sûr que Salomon Zilber soit passé à la clandestinité à ce moment-là : la rafle a tellement traumatisé la population que les autorités françaises n’initieront plus de rafles par la suite. Et si le 11 novembre 1942, suite au débarquement allié en Afrique du Nord, la zone libre est occupée par les Allemands, Nice est confiée aux Italiens, qui n’y lancent pas de rafles antijuives.
Mais après la signature d’un armistice entre l’Italie et les Alliés, les Allemands prennent le contrôle de la zone le 8 septembre 1943. Nice découvre alors la Gestapo, et l’officier SS Aloïs Brunner lance des rafles en appliquant de nouvelles méthodes, comme des patrouilles automobiles de physionomistes, des descentes systématiques dans les hôtels et les meublés, sans oublier les trains… C’est le même Aloïs Brunner qui lancera les rafles parisiennes de juillet 1944 qui aboutiront au convoi 77. C’est peut-être à ce moment-là que Salomon Zilber passe à la clandestinité et se cache chez une certaine Aline Raybaut, dont il se fait passer pour le mari Henri.
L’arrestation et la déportation
Néanmoins, sur dénonciation, Aline Raybaut et Salomon Zilber sont tous les deux arrêtés par la Gestapo le 5 juillet 1944. Si Aline Raybaut semble avoir survécu à la guerre et ne pas avoir été déportée, Salomon Zilber, lui, est destiné aux camps de la mort.
Le 10 juillet, Salomon arrive à Drancy. Le carnet de fouille indique qu’il a alors sur lui 4850 francs, une somme relativement importante en comparaison avec celles détenues par les autres déportés (un franc en 1944 vaudrait 0,17 euro aujourd’hui), qui montre que Salomon avait conservé d’importantes économies d’avant 1940, ou qu’il avait réussi à trouver du travail à Nice.
Dans son dossier d’ancien déporté constitué après-guerre, Salomon Zilber résume rapidement son arrestation, sa déportation et sa libération : “En juillet 1944, je fus arrêté par la Gestapo, à Nice, transféré à Drancy et déporté, le 31 Juillet 1944, au camp de concentration d’Auschwitz. Je fus libéré par les Russes fin Janvier 1945, mais rapatrié en France seulement le 10 Mai 1945”. Ce résumé nous apprend ainsi que Salomon a fait partie de la minorité des déportés du convoi 77 qui n’ont pas été envoyés immédiatement aux chambres à gaz, et qu’il était encore à Auschwitz au moment de sa libération par l’Armée soviétique le 27 janvier – il n’a pas subi les marches de la mort vers d’autres camps.
Le retour en France et le départ en Israël
Une fois libéré, Salomon Zilber a été évacué par le port d’Odessa en Ukraine vers la France, où il débarque à Marseille le 10 mai 1945, deux jours après la capitulation allemande. Salomon retourne à Nice, où en 1945-1946, il reçoit au moins trois colis envoyés par son frère Moshe de Palestine, dans le cadre d’un programme du JDC (American Jewish Joint Distribution Committee) pour aider les rescapés de la déportation. Par la suite, Salomon Zilber semble avoir séjourné et travaillé dans différentes villes de France comme Paris – où il fait reconnaître son identité par le tribunal du neuvième arrondissement le 13 janvier 1947, alors qu’il est employé de bureau et réside à l’hôtel 30, rue Châteaudun – et Bordeaux (trace en 1951). En 1947, il est fiancé avec Renée Hardy, employée de bureau à Nice. Puis le 7 janvier 1949, il obtient la nationalité française.
Cependant, en 1951, Salomon part en Israël, où il s’installe à Tel-Aviv sous le nom de Shlomo Zilber. Le rêve sioniste vient de se réaliser : en 1948, l’État d’Israël a été créé, et la première guerre israélo-arabe s’est achevée en 1949. Moshe, le grand frère, est devenu juge de la Cour Suprême.
Tel Aviv est alors la capitale de l’État d’Israël. C’est une ville moderne, fondée par les sionistes en 1909 en Palestine alors ottomane. Salomon s’y installe au 14 rue Hakovshim. En 1954, il se marie avec Rachel Eisen, peut-être originaire de Roumanie.
En 1958, en conformité avec la loi française de 1953, Salomon a reçu le “pécule” pour les anciens déportés, d’un montant de 12 000 francs, somme qu’il a jugée “minime, quasi insignifiante” (lettre du 10 septembre 1957 au ministère des Anciens Combattants et des Victimes de Guerre), ce qui l’a poussé à tenter d’obtenir une indemnisation de la République Fédérale d’Allemagne : un franc en 1958 vaudrait 0,018 euro aujourd’hui.
Salomon ne semble pas avoir eu d’enfants, et est décédé le 18 avril 1989. Son grand frère était mort quatorze ans plus tôt, en 1975, après avoir accompli une carrière brillante qui l’a conduit à présider la Cour Suprême et à remporter le prix d’Israël en 1964.
Les parents, Osnat et Hile Zilber, ont été tués en Lituanie en 1941, peu après l’invasion allemande, les Einsatzgrippen SS et leurs collaborateurs lituaniens éliminant alors plus de 80% de la population juive locale avant la fin de l’année: c’est “la Shoah par balles”. Hilel a été tué par des collaborateurs lituaniens le 21 juillet 1941 dans les forêts de Puzai, avec la plupart des autres hommes de Skaudvilė. Les femmes (dont sans doute Osnat) et les enfants ont été soumis au travail forcé dans les fermes des alentours, avant d’être massacrés à leur tour dans la forêt de Gryblaukis le 15 Septembre.
En mémoire de sa mère, Moshe Zilberg a prénommé sa fille Osnat. Elle aussi a accompli une carrière juridique, mais nous n’avons pas réussi à prendre contact avec elle.
Biography of Salomon ZILBER, born on January 20, 1904 in Skaudvilé, Lithuania.
This project was carried out by a 10th-grade class of the Prins Henrik French High School in Copenhagen, Denmark, under the supervision of Madame Lechat and Monsieur Terrasson.
Introduction
We are a 10th-grade class at the Prins Henrik French High School in Copenhagen, Denmark. Since the end of October, 2018 we have done research on a Jewish deportee with a view to writing his biography for the Convoi 77 Association, which wishes to make known to the public the lives of those deported in the last convoy from Drancy to Auschwitz in July of 1944. To look into the life of the deportee Salomon Zilber we have been able to lean on the information in numerous archives whose access was provided by Convoi 77. With all this information, for reasons of efficiency, we split the work up between several groups, who dealt with country of birth, family life in France, arrest, journey after the Liberation, and life after the war. In addition to the archives we have also relied on the Internet. Finally, one group contacted the members of Salomon Zilber’s family, while another consulted the Association of the Sons and Daughters of the Jews Deported from France, and still a third group got in touch with a company for which he worked.
Salomon Zilber’s Family
Salomon Zilber was born on January 20, 1904 in Skaudvilé, Lithuania. “I acquired French citizenship by a decree in the issue of the Journal Officiel dated January 7, 1949.” He obtained his French passport on March 24 of the same year (Source 1: Indemnity Request). We have deduced that he therefore had no French passport before that. Afterwards, he lived in Tel Aviv, Israel until his death. He had a brother named Moshe Zilberg, who was a justice on Israel’s Supreme Court (Source 1: Indemnity Request). His father was Asné Zilber; his mother, Hilel Zilber, was “killed by the Nazis in Lithuania in 1941” (Source 2: Allocation Request 2). Salomon got married in Israel in 1954 (Source 1: Indemnity Request 2). He apparently had two children, about whom no information has been forthcoming (Source 1: Indemnity Request). Searching for more information we tried to get in touch with Arlette Zilberg, who we thought to be Salomon’s niece. She indeed told us that her uncle had survived the war, but had never in fact been interned at Drancy, whereas Salomon Zilber declared the contrary (Source 1: Indemnity Request). We have failed to determine whether he was the same Salomon or if there was confusion because of the same name. We were subsequently unable to obtain any further information from Mrs. Arlette Zilberg, who quite firmly declined to pursue our communication. Moreover, we could get no significant information about Salomon Zilber’s life in Lithuania and his arrival in France.
Salomon Zilber’s life in Nice before his arrest
Once in France, Salomon Zilber resided with a family at n° 6 rue Bonaparte in Nice until 1944. He worked as an office employee for the American travel agency, Palestine & Orient Lloyd, founded in 1933 at n° 16 boulevard Joseph Garnier in Nice (Source 3: Allowance Allocation Request). We have no other information on his job as the company has no archives for the period. Before his arrest he was about to marry Miss Renée T. (illegible family name), according to the minutes of the clerk for the Justice of the Peace for the Ninth district of Paris (Source 4: Court clerk’s minutes 1).
Salomon Zilber’s Arrest
“In July of 1944 I was arrested by the Gestapo in Nice, transferred to Drancy, and deported on July 31, 1944 to the Auschwitz concentration camp. I was liberated by the Russians at the end of January, 1945, but not repatriated to France until May 10, 1945.” (Salomon Zilber, Tel Aviv, January 24, 1956, file on compensation for deportees. Source 1: Indemnity file). While the SS officer, Alois Brunner, organized many roundups, i.e. mass arrests of Jews, at the end of 1943 and the beginning of 1944 in Nice, Salomon was not arrested during these roundups. According to the Ministry for Veterans and War Victims, his legal Nice address was n° 34 rue de l’Impératrice at the residence of a certain Madame Bailet. One thing is certain: Salomon Zilber was arrested in Nice on July 5, 1944 under the name of Henri Raybaut. He arrived at Auschwitz on July 31, 1944 (Source 2: Allocation Request 3).
According to the documents attributing an allowance to the deportees or political prisoners in the archives of the Ministry for Veterans and War Victims he was living with a woman named Aline Raybaut and claiming to be her husband before his arrest. He was denounced and arrested by the Gestapo because he was Jewish, and Aline Raybaut was also arrested for hiding him (Source 3: Allowance attribution request).
Salomon Zilber’s Journey: Auschwitz-Odessa-Marseille
After Salomon Zilber’s imprisonment at Auschwitz, about which nothing is known, he was sent on a long, roundabout journey to Odessa. Louis Suarez’s testimony, entitled “1939-1945 Sept années volées à ma jeunesse : Un soldat français en Prusse” [1939-1945 Seven Years Stolen from My Youth: A French Soldier in Prussia], 2013, written by Marie-Ange Bartholomot Bessou, can give an idea of the route undertaken by S. Zilber. Louis Suarez was arrested in East Prussia and then deported to a concentration camp. During the death marches, as the Russians advanced at the end of World War II, the Nazis moved their prisoners west, forcing them to walk in the cold of January. Mr. Suarez was later freed by the Red Army. After that he was transported by the Russians by train to various places, to end up at Odessa, where the repatriation of some of the deportees was arranged.
As Salomon Zilber was a prisoner at Auschwitz he may well have had a similar fate, including participation in one of the death marches from Auschwitz-Birkenau. The Auschwitz prisoners had to walk westward, to Loslau, Poland in this case. Shortly thereafter the camp was liberated by the Allies (Russians and Americans) following the Nazis’ capitulation. Some of the prisoners liberated there were taken to Kiev in Ukraine, and from there to Odessa to embark for Marseille. We know that Salomon Zilber took a boat from Odessa to Marseille, where he arrived on May 10, 1945 (Source 5: Repatriation).
Salomon Zilber’s life after 1945, Nice and Tel Aviv
Salomon Zilber was repatriated to Marseille on May 10, 1945 and lived in Nice, according to his political deportee card, up to his departure for Israel in 1951. He took up residence at that time at n° 14 rue Hakovshim in Tel Aviv (Source 6: Tel Aviv). He obtained a French political deportee card, on which we found his address, dated December 10, 1956 (Source 7: Deportee card). He also probably received an allowance of 12,000 francs from the French state (Source 8: Allowance allocation). Indeed, according to article 2 of the decree n° 53-103 of February 14, 1953 dealing with the allocation of an allowance to deportees and political prisoners (Source 9: Journal Officiel), the sum allotted to political deportees, as S. Zilber had been designated, was 1200 francs for each month of internment or deportation. Since Salomon Zilber was interned for about ten months, it may be asked why he at first refused this money, considering it to be “negligible, almost insignificant” (Source 8: Allowance allocation), as stated in a letter from the French ambassador to Israel addressed to the French Ministry of Foreign Affairs that is found in the political deportee archives (number 119922347, Source 8: Allowance allocation). There are many documents in these archives concerning his indemnity request between 1956 and 1958. S. Zilber also stated that in Tel Aviv in 1954 he married a person whose name is unknown. We were unable to find any further information on his family life or his activities in Israel.
Problems encountered in our research
Our research has run into difficulties in the agreement of our sources about Salomon Zilber’s possible death at Auschwitz. One source, supplied by Yad Vashem, indicated that he died during the Shoah. It states: “Salomon was murdered during the Shoah” (Source 10: Yad Vashem). So we assumed that Salomon Zilber had not survived deportation. But then the archives furnished by the Convoi 77 Association indicated that he lived in Tel Aviv after being deported to Auschwitz. Meanwhile, we had contacted his supposed niece, Arlette Zilberg, who maintained that he did not die while at Auschwitz: “Salomon Zilberg was fortunate enough to have survived the war.” This source raises problems, as the niece’s family name ends in a “g”. She writes it “Salomon Zilberg”, not Zilber. This source has therefore been considered unreliable. In the end we discovered that he had in fact survived, and we turned our research toward his life after coming back from Auschwitz.
Sources
Source 1: Indemnity Request, a letter sent by Salomon Zilber on January 24, 1956 from Tel Aviv to the Ministry for Veterans and War Victims.
Source 2: Allocation Request as a political deportee on a form of the Ministry for Veterans and War Victims, concerning Salomon Zilber, seeking the allocation of an allowance.
Source 3: Allowance Allocation Request for deportees or political prisoners, a form of the Ministry for Veterans and War Victims, concerning Salomon Zilber, seeking the allocation of an allowance.
Source 4: Minutes of the Court Clerk for the Justice of the Peace for the 9th district of Paris.
Source 5: Repatriation, a letter written in Tel Aviv on October 8, 1956 by Salomon Zilber to the Ministry for Veterans and War Victims, Bureau for Deportees and Their Various Statuses in the Office for Statuses and Medical Services.
Source 6: Tel Aviv, the building at n° 14 rue Hakovshim, Salomon Zilber’s Tel Aviv address, in a photograph taken by screenshot from the Google View site in December 2018.
Source 7: Deportee Card for Salomon Zilber, issued by the National Federation of deportees and patriot prisoners.
Source 8: Allowance Allocation, a letter from Salomon Zilber sent from Tel Aviv on September 10, 1957 to the Ministry for Veterans and War Victims.
Source 9: Journal Officiel, Article 2 of decree n°53-103 of February 14, 1953 dealing with the allocation of an allowance to deportees and political prisoners, published on the site Legifrance.gouv.fr.(https://www.legifrance.gouv.fr/jo_pdf.do?id=JORFTEXT000000507740&pageCourante=01544)
Source 10: Yad Vashem, a page on Yad Vashem’s site attesting that “Salomon was murdered during the Shoah”. (https://yvng.yadvashem.org/nameDetails.html?language=fr&itemId=3232723&ind=2)[:pl]EDEL ROBERTLALLEMAND EUGENIE
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Salomon Zilber est né le 20 janvier 1904 à Skaudvilé en Lithuanie. Travail réalisé par une classe de 2nde du Lycée français Prins Henrik de Copenhague au Danemark, sous la direction de Madame Lechat et de Monsieur Terrasson.
Introduction au projet
Nous sommes une classe de 2nde du Lycée français Prins Henrik de Copenhague au Danemark. Depuis la fin du mois d’octobre 2018, nous avons effectué des recherches sur un déporté juif afin de rédiger sa biographie pour l’association Convoi 77 qui souhaite faire connaître au public la vie de déportés partis par le dernier convoi, depuis Drancy vers Auschwitz en juillet 1944. Pour étudier la vie de ce déporté, Salomon Zilber, nous avons pu nous appuyer sur les informations fournies par Convoi 77 qui nous a donné accès à de nombreuses archives. Avec toutes ces informations nous nous sommes réparti le travail en plusieurs groupes pour être plus efficaces : pays de naissance, famille, vie en France, arrestation, trajet après la libération et vie après la Guerre. Outre les archives, nous avons aussi pu nous aider d’Internet. Enfin, un groupe a contacté les membres de la famille de Salomon Zilber, un autre groupe l’association Fils et Filles des Déportés Juifs de France, et enfin un troisième une entreprise où il a travaillé.
Famille de Salomon Zilber
Salomon Zilber, est né le 20 janvier 1904 à Skaudvilé, en Lituanie. “J’ai acquis la nationalité Française par le décret paru dans le Journal Officiel le 7 Janvier, 1949”. Et il a obtenu son passeport français le 24 mars de la même année (Source 1 – Demande d’indemnisation). On est donc conduit à supposer qu’il n’avait pas la nationalité française avant. Ensuite il a habité à Tel-Aviv, en Israël, jusqu’à sa mort. Il avait un frère du nom de Moshe Zilberg qui a été juge à la Cour suprême d’Israël (Source 1 – Demande d’indemnisation). Son père s’appelait Asné Zilber et sa mère Hilel Zilber, “tués par les nazis en Lituanie en 1941” (Source 2 – Demande d’attribution 2). Salomon se maria en 1954 en Israël (Source 1 – Demande d’indemnisation 2). Il aurait eu deux enfants sur lesquels nous n’avons pas de renseignements (Source 1 – Demande d’indemnisation). Afin d’obtenir plus d’informations, nous avons essayé d’entrer en contact avec Arlette Zilberg, que nous pensions être la nièce de Salomon Zilber. Cette dernière nous a indiqué, en effet, que son oncle avait survécu à la guerre mais n’avait pas, en réalité, été interné à Drancy alors que Salomon Zilber déclare le contraire (Source 1 – Demande d’indemnisation). Nous n’avons pas réussi à savoir s’il s’agissait du même Salomon ou s’il y avait une confusion sur le nom. Par la suite, nous n’avons pas réussi à obtenir davantage d’informations de la part de Madame Arlette Zilberg qui n’a manifestement pas souhaité donner suite à nos échanges. En outre, nous n’avons pas trouvé d’informations significatives sur la vie de Salomon Zilber en Lituanie et son arrivée en France.
Vie de Salomon Zilber à Nice avant son arrestation
En France, Salomon Zilber a habité à Nice chez une famille (6 rue de Bonaparte) jusqu’en 1944. Il travaillait en tant qu’employé de bureau pour “l’American Lloyd/Palestine et Orient Lloyd”, une entreprise de voyage fondée en 1933, dont l’agence à Nice se trouvait au 16 Boulevard Joseph Garnier (Source 3 – Demande d’attribution du pécule). Nous n’avons pas plus d’informations sur son emploi car l’entreprise nous a indiqué ne pas avoir d’archives sur cette période. Avant son arrestation, il était sur le point de se marier avec mademoiselle Renée T. (nom de famille illisible) selon les ”minutes du greffe de la Justice de Paix du neuvième arrondissement de la ville de Paris” (Source 4 – Minutes du greffe 1).
Arrestation de Salomon Zilber
“En juillet 1944, je fus arrêté par la Gestapo, à Nice, transféré à Drancy et déporté, le 31 Juillet 1944, au camp de concentration d’Auschwitz. Je fus libéré par les Russes fin Janvier 1945, mais rapatrié en France seulement le 10 Mai 1945” (Salomon Zilber, Tel Aviv, le 24 Janvier 1956, dossier d’indemnisation aux déportés. Source 1 – Dossier d’indemnisation). Si Alois Brunner, officier SS, a organisé de nombreuses rafles, c’est-à-dire des arrestations massives de Juifs, à Nice fin 1943 et début 1944, Salomon, lui, ne fut donc pas arrêté durant ces rafles. Selon le Ministère des Anciens Combattants et Victimes de Guerre, son adresse légale à Nice était le 34 Rue de l’Impératrice chez une certaine Madame Bailet. Une chose est certaine, c’est que Salomon Zilber a été arrêté le 5 juillet 1944 sous le nom de Henri Raybaut, à Nice. Il est arrivé au camp de transfert de Drancy le 10 juillet 1944 puis a été déporté dans le convoi 77 pour arriver au camp d’Auschwitz le 31 Juillet 1944 (Source 2 – Demande d’attribution 3).
Selon les documents d’attribution du pécule aux déportés ou internés politiques des archives du Ministère des Anciens Combattants et Victimes de Guerre, il habitait chez une certaine Aline Raybaut, avant son arrestation et prétendait être son mari. Suite à une dénonciation, il s’est fait arrêter par la Gestapo parce qu’il était juif et Aline Raybaut s’est fait arrêter également parce qu’elle le cachait (Source 3 – Demande d’attribution du pécule).
Trajet de Salomon Zilber Auschwitz-Odessa-Marseille
Après l’internement de Salomon Zilber à Auschwitz sur lequel on ne sait rien, celui-ci a parcouru un long périple jusqu’à Odessa. Le témoignage de Louis Suarez intitulé “1939-1945 Sept années volées à ma jeunesse : Un soldat français en Prusse”, 2013, écrit par Marie-Ange Bartholomot Bessou, pourrait nous permettre de penser que S. Zilber a parcouru à peu près le même trajet. Louis Suarez a en effet été arrêté en Prusse Orientale pour ensuite être déporté vers un camp de concentration. Pendant les marches de la mort, avec l’avancée de l’armée russe, à la fin de la Seconde Guerre mondiale, les nazis ont déplacé les prisonniers vers l’Ouest en les obligeant à marcher dans le froid, en plein mois de janvier. Mr. Suarez a été ensuite délivré par l’Armée rouge. Après cela, il a été transporté, par les Russes, à différents endroits par train, et a abouti à Odessa, où s’est organisé le rapatriement de certains déportés.
Salomon Zilber était prisonnier au camp d’Auschwitz et a donc peut-être subi un sort semblable, y compris une des marches de la mort depuis Auschwitz-Birkenau. Les prisonniers d’Auschwitz devaient marcher vers l’Ouest, jusqu’à Loslau dans ce cas (en Pologne). Peu après, le camp fut libéré par les Alliés (Russes et Américains) suite à la capitulation des nazis. Quelques prisonniers libérés à cet endroit ont été transportés à Kiev en Ukraine et, de là ils ont été emmenés à Odessa d’où ils sont partis vers Marseille. Nous savons que Salomon Zilber a pris un bateau d’Odessa pour aller à Marseille, où il est arrivé le 10 mai 1945 (Source 5 – Rapatriement).
La vie de Salomon Zilber après 1945, Nice et Tel Aviv
Salomon Zilber a été rapatrié à Marseille le 10 mai 1945 et a ensuite vécu à Nice, selon sa carte de déporté politique, jusqu’à son départ pour Israël en 1951. Il s’est alors installé au 14 rue Hakovshim à Tel Aviv (Source 6 – Tel Aviv). Il a obtenu une carte française de déporté politique, sur laquelle nous avons trouvé son adresse, datant du 10 décembre 1956 (Source 7 – Carte de déporté). Il a aussi probablement reçu en 1958, un pécule de 12 000 francs de l’État français (Source 8 – Attribution d’un pécule). En effet, selon l’article 2 du décret n°53-103 du 14 février 1953 portant sur l’attribution d’un pécule aux déportés et internés politiques (Source 9 – Journal Officiel), le montant fixé pour les déportés politiques, comme l’a été désigné S. Zilber, est de 1 200 francs par mois d’internement ou de déportation. Salomon Zilber fut interné pour environ dix mois, on peut donc se demander pourquoi il a une première fois refusé cette somme, la jugeant “minime, quasi insignifiante” (Source 8 – Attribution d’un pécule), comme c’est écrit dans une lettre de l’ambassadeur français en Israël adressée au Ministre français des Affaires étrangères que l’on retrouve dans ses archives de déporté politique (numéro 119922347, Source 8 – Attribution d’un pécule). Dans ces archives, beaucoup de documents concernent sa demande d’indemnisation entre 1956-1958. S. Zilber a aussi précisé qu’en 1954, il s’est marié à Tel Aviv avec une personne dont on ignore le nom. Nous n’avons pas pu trouver plus d’informations sur sa vie familiale ou ses activités en Israël.
Les difficultés rencontrées dans nos recherches
Nous avons rencontré des difficultés dans nos recherches, au niveau de la concordance de nos sources sur le sujet du possible décès à Auschwitz de Salomon Zilber. Une source, fournie par Yad Vashem” nous indiquait sa mort pendant la Shoah. Elle affirmait : “Salomon a été assassiné pendant la Shoah” (Source 10 : Yad Vashem). Nous sommes donc partis sur l’idée que Salomon Zilber n’avait pas survécu à sa déportation. Puis les archives fournies par l’association Convoi 77 nous indiquaient que Salomon Zilber avait vécu à Tel-Aviv après sa déportation à Auschwitz. Par ailleurs nous avons aussi pris contact avec sa supposée nièce Arlette Zilberg qui nous a affirmé qu’il n’était pas mort pendant son séjour à Auschwitz : “Salomon Zilberg a heureusement survécu à la guerre”. Cette source est cependant problématique pour nous, notamment parce qu’il y a une différence dans le nom de famille de sa nièce qui comporte un “g” et elle écrit “Salomon Zilberg” et non Zilber. C’est pourquoi cette source n’est pas certaine. Au final nous avons trouvé qu’il a survécu, et nous avons donc redirigé nos recherches sur sa vie après Auschwitz.
Sources
Source 1 : Demande d’indemnisation, lettre adressée par Salomon Zilber, le 24 Janvier 1956 depuis Tel Aviv adressée au Ministère des Anciens Combattants et des victimes de la guerre.
Source 2 : Demande d’attribution du titre de déporté politique, formulaire du Ministère des Anciens Combattants et des victimes de la guerre, concernant Salomon Zilber, en vue de l’attribution d’un pécule.
Source 3 : Demande d’attribution du pécule aux déportés ou internés politiques, formulaire du Ministère des Anciens Combattants et des victimes de la guerre, concernant Salomon Zilber, en vue de l’attribution d’un pécule.
Source 4 : Minutes du greffe de la Justice de Paix du neuvième arrondissement de la ville de Paris.
Source 5 : Rapatriement, lettre de Salomon Zilber écrite à Tel Aviv le 8 octobre 1956 adressée au Ministère des Anciens Combattants et des victimes de la guerre, Bureau des déportés et des statuts divers de la Direction des Statuts et des services médicaux.
Source 6 : Tel Aviv, immeuble du 14 rue Hakovshim, adresse de Salomon Zilber à Tel Aviv, photographie prise en capture d’écran sur le site Google View en décembre 2018
Source 7 : Carte de déporté de Salomon Zilber, issue de la Fédération nationale des déportés et internés patriotes.
Source 8 : Attribution d’un pécule, lettre de Salomon Zilber adressée depuis Tel Aviv le 10 septembre 1957 au Ministère des Anciens combattants et des Victimes de guerre.
Source 9 : Journal Officiel, Article 2 du décret n°53-103 du 14 février 1953 portant sur l’attribution d’un pécule aux déportés et internés politiques, publié sur le site Legifrance.gouv.fr.
(https://www.legifrance.gouv.fr/jo_pdf.do?id=JORFTEXT000000507740&pageCourante=01544)
Source 10 : Yad Vashem, page du site de Yad Vashem attestant que “Salomon a été assassiné pendant la Shoah”. (https://yvng.yadvashem.org/nameDetails.html?language=fr&itemId=3232723&ind=2)
– Deux élèves du Lycée International Français de Vilnius, en Lituanie
Salomon Zilber, 1904-1989
La biographie de Salomon Zilber a été étudiée par un groupe de deux élèves du Lycée International Français de Vilnius, en Lituanie, où Salomon Zilber est né. Mais nous ne sommes pas les premiers à avoir travaillé sur cette biographie : une première biographie a déjà été rédigée par les secondes du lycée Prince Henrik de Copenhague, avec déjà beaucoup d’informations sur la période 1943-1958. S’occupant de tous les déportés d’origine lituanienne, notre lycée a repris le dossier, avec pour objectif de compléter la biographie en amont – la vie de Salomon Zilber avant 1943 – et en aval, après 1958. Pour ce faire, nous avons fait des recherches sur la ville d’origine de Salomon Zilber, Skaudvilė, son frère, une célébrité en Israël, et pris contact avec des parents de la famille maternelle de Salomon via des sites de généalogie, où ceux-ci sont actifs.
Sources:
Nous disposions donc:
- de la première biographie rédigée par les secondes du lycée Prince Henrik de Copenhague (https://convoi77.org/deporte_bio/salomon-zilber/);
- du dossier d’ancien déporté de Salomon Zilber, conservé par le SHD à Caen; il contient quelques informations sur la vie de Salomon à Paris de 1930 à 1940;
- des archives du JDC (Jewish Distribution Committee) publiées sur son site, notamment les listes de colis envoyés en France en 1945-1946 aux rescapés de la déportation;
- d’un extrait du carnet de fouille de Drancy, publié par le Mémorial de la Shoah;
- de mails de parents de Salomon (famille maternelle) qui ignoraient son existence, mais qui ont lancé des recherches sur les sites généalogiques israéliens pour nous aider et retrouver la trace de Salomon à Tel Aviv;
- d’un livre très important sur les communautés juives de Lituanie avant la Shoah, notamment à Skaudvilė: le livre de Nacy Shoenburg, Lithuania Memorial Book. Lithuanian Jewish Communities, publié en 1942, puis republié sur Internet dans la David and Sylvia Steiner Yizkor Book Collection (Steven Spielberg Digital Yiddish Library).
Skaudvilė, un shtetl de référence en Lituanie
Salomon Zilber est né le 20 janvier 1920 1904 à Skaudvilė, en Lituanie, qui fait alors partie de l’empire russe. Au Moyen Âge et à l’Époque Moderne, la Lituanie représentait un très grand territoire, de la mer Baltique à l’Ukraine, et les Juifs y étaient bien accueillis car leur commerce et leur artisanat contribuait au développement du pays, alors qu’ils avaient été chassés de bien des pays européens comme l’Espagne. C’est pourquoi la Lituanie et plus généralement toute la partie occidentale de l’empire tsariste russe (qui a annexé la Lituanie à la fin du XVIIIe siècle) abritent à l’époque une population juive très importante. Vilnius est même surnommée la “Jérusalem du Nord”, mais la vie culturelle juive est brillante dans bien d’autres shtetl (bourgs ou quartiers juifs) de Lituanie, comme Skaudvilė.
Skaudvilė est une petite ville du centre de la Lituanie, qui a brûlé plusieurs fois pendant l’Entre-deux-guerres. Par conséquent beaucoup de documents de Skaudvilė ont disparu, comme les registres juifs de naissance. Mais nous savons que la mère de Salomon s’appelait Osnat et était née en 1873, et que le père s’appelait Hilel et était né en 1869. Ils formaient sans doute un couple de commerçants ou d’artisans: dans la ville il y avait à peu près 2000 habitants, Juifs pour la moitié, souvent des artisans et des marchands.
Le bourg n’était pas très riche, mais les organisations juives y étaient très actives, notamment les organisations d’entraide comme l’Agudat, dont Hilel Zilber est l’un des contributeurs en 1913. Skaudvile était surtout réputée dans le monde juif pour ses écoles et sa yeshiva – son centre d’étude de la Torah et du Talmud. Moshe, le grand frère de Salomon né en 1900, s’y est révélé un élève surdoué, un prodige, avant d’être envoyé vers d’autres yeshivas, puis en 1920 vers les universités allemandes de Francfort et de Marbourg: son nom de famille y a été transcrit du cyrillique russe vers l’alphabet latin “Zilberg” et non pas “Zilber”. Devenu avocat, Moshe Zilberg est parti en Palestine dès 1929, et a été très actif dans les organisations sionistes qui voulaient y créer un État juif indépendant.
Plusieurs autres habitants de Skaudvilė sont partis en Palestine pendant l’Entre-deux-guerres: la majorité des jeunes Juifs de la ville adhéraient à des organisations sionistes pendant cette période. Le sionisme, c’est le mouvement pour la création d’un foyer national juif en Palestine, la terre de l’antique Israël. Ce mouvement s’est développé à la fin du XIXe siècle en Europe, en réaction aux persécutions dont les Juifs faisaient l’objet, que ce soit à l’Est ou à l’Ouest. À l’Ouest, l’affaire Dreyfus en France a fortement inspiré Theodor Herzl, le fondateur du sionisme. À l’Est, la situation des Juifs s’est dégradée après l’intégration de la Lituanie dans l’empire russe, où plusieurs mesures anti-juives ont été prises. Après l’assassinat du tsar Alexandre II en 1881, une vague de pogroms a même éclaté, avant que plusieurs autres massacres aient lieu jusqu’à la veille de la Grande Guerre. Même si la Lituanie d’aujourd’hui (un territoire beaucoup plus petit que la Lituanie d’autrefois) a été épargnée par ces pogroms, nombre de Juifs en sont partis, suivant l’exemple de plus de deux millions de coreligionnaires de l’empire russe entre 1881 et 1914.
Salomon Zilber à Paris
Salomon Zilber est sans doute lui aussi passé à Skaudvilė par les écoles juives réputées et le militantisme sioniste. Mais lui est parti à Paris, où il arrive sans doute en 1930, pour travailler au sein de l’agence américaine de voyage Lloyd Palestine & Orient : une agence de voyages pas tout à fait classique, qui promeut différents séjours au Proche Orient mais aussi le sionisme. L’agence est située au 7 rue Auber, dans le neuvième arrondissement. En 1936, Salomon Zilber est recensé au 8, rue de Lille, dans le septième arrondissement.
L’Exode et le passage à la clandestinité
En 1940, quand l’armée allemande envahit la France et s’approche de Paris, l’agence ferme ses portes et Salomon Zilber rejoint les cortèges de l’Exode, quand huit à dix millions de Français fuient vers le Sud. Salomon arrive à Bordeaux. Nous ignorons s’il a songé à revenir à Paris, mais les Allemands ont souvent refoulé les Juifs qui tentaient de revenir dans la zone occupée après l’armistice.
Finalement Salomon Zilber s’installe à Nice, au 34, rue de l’Impératrice, chez une certaine Mme Bailet. Il n’a pas de travail déclaré. Il finit par passer à la clandestinité, en se cachant à une autre adresse, mais on ne sait pas quand. La ville n’est pas en zone occupée, mais n’est pas tout à fait à l’abri des rafles de Juifs, puisque le 26 août 1942, six semaines après la rafle du Vel d’Hiv à Paris, la police de Vichy arrête dans la zone libre 6 584 Juifs étrangers et apatrides, dont la majorité seront envoyés à Drancy puis à Auschwitz. À Nice, plus de 1000 Juifs sont arrêtés ce jour-là ; 560 seront envoyés à Drancy.
Mais il n’est pas sûr que Salomon Zilber soit passé à la clandestinité à ce moment-là : la rafle a tellement traumatisé la population que les autorités françaises n’initieront plus de rafles par la suite. Et si le 11 novembre 1942, suite au débarquement allié en Afrique du Nord, la zone libre est occupée par les Allemands, Nice est confiée aux Italiens, qui n’y lancent pas de rafles antijuives.
Mais après la signature d’un armistice entre l’Italie et les Alliés, les Allemands prennent le contrôle de la zone le 8 septembre 1943. Nice découvre alors la Gestapo, et l’officier SS Aloïs Brunner lance des rafles en appliquant de nouvelles méthodes, comme des patrouilles automobiles de physionomistes, des descentes systématiques dans les hôtels et les meublés, sans oublier les trains… C’est le même Aloïs Brunner qui lancera les rafles parisiennes de juillet 1944 qui aboutiront au convoi 77. C’est peut-être à ce moment-là que Salomon Zilber passe à la clandestinité et se cache chez une certaine Aline Raybaut, dont il se fait passer pour le mari Henri.
L’arrestation et la déportation
Néanmoins, sur dénonciation, Aline Raybaut et Salomon Zilber sont tous les deux arrêtés par la Gestapo le 5 juillet 1944. Si Aline Raybaut semble avoir survécu à la guerre et ne pas avoir été déportée, Salomon Zilber, lui, est destiné aux camps de la mort.
Le 10 juillet, Salomon arrive à Drancy. Le carnet de fouille indique qu’il a alors sur lui 4850 francs, une somme relativement importante en comparaison avec celles détenues par les autres déportés (un franc en 1944 vaudrait 0,17 euro aujourd’hui), qui montre que Salomon avait conservé d’importantes économies d’avant 1940, ou qu’il avait réussi à trouver du travail à Nice.
Dans son dossier d’ancien déporté constitué après-guerre, Salomon Zilber résume rapidement son arrestation, sa déportation et sa libération : “En juillet 1944, je fus arrêté par la Gestapo, à Nice, transféré à Drancy et déporté, le 31 Juillet 1944, au camp de concentration d’Auschwitz. Je fus libéré par les Russes fin Janvier 1945, mais rapatrié en France seulement le 10 Mai 1945”. Ce résumé nous apprend ainsi que Salomon a fait partie de la minorité des déportés du convoi 77 qui n’ont pas été envoyés immédiatement aux chambres à gaz, et qu’il était encore à Auschwitz au moment de sa libération par l’Armée soviétique le 27 janvier – il n’a pas subi les marches de la mort vers d’autres camps.
Le retour en France et le départ en Israël
Une fois libéré, Salomon Zilber a été évacué par le port d’Odessa en Ukraine vers la France, où il débarque à Marseille le 10 mai 1945, deux jours après la capitulation allemande. Salomon retourne à Nice, où en 1945-1946, il reçoit au moins trois colis envoyés par son frère Moshe de Palestine, dans le cadre d’un programme du JDC (American Jewish Joint Distribution Committee) pour aider les rescapés de la déportation. Par la suite, Salomon Zilber semble avoir séjourné et travaillé dans différentes villes de France comme Paris – où il fait reconnaître son identité par le tribunal du neuvième arrondissement le 13 janvier 1947, alors qu’il est employé de bureau et réside à l’hôtel 30, rue Châteaudun – et Bordeaux (trace en 1951). En 1947, il est fiancé avec Renée Hardy, employée de bureau à Nice. Puis le 7 janvier 1949, il obtient la nationalité française.
Cependant, en 1951, Salomon part en Israël, où il s’installe à Tel-Aviv sous le nom de Shlomo Zilber. Le rêve sioniste vient de se réaliser : en 1948, l’État d’Israël a été créé, et la première guerre israélo-arabe s’est achevée en 1949. Moshe, le grand frère, est devenu juge de la Cour Suprême.
Tel Aviv est alors la capitale de l’État d’Israël. C’est une ville moderne, fondée par les sionistes en 1909 en Palestine alors ottomane. Salomon s’y installe au 14 rue Hakovshim. En 1954, il se marie avec Rakel Reki, originaire de Roumanie.
En 1958, en conformité avec la loi française de 1953, Salomon a reçu le “pécule” pour les anciens déportés, d’un montant de 12 000 francs, somme qu’il a jugée “minime, quasi insignifiante” (lettre du 10 septembre 1957 au ministère des Anciens Combattants et des Victimes de Guerre), ce qui l’a poussé à tenter d’obtenir une indemnisation de la République Fédérale d’Allemagne : un franc en 1958 vaudrait 0,018 euro aujourd’hui.
Salomon ne semble pas avoir eu d’enfants, et est décédé le 18 avril 1989. Son grand frère était mort quatorze ans plus tôt, en 1975, après avoir accompli une carrière brillante qui l’a conduit à présider la Cour Suprême et à remporter le prix d’Israël en 1964.
Les parents, Osnat et Hile Zilber, ont été tués en Lituanie en 1941, peu après l’invasion allemande, les Einsatzgrippen SS et leurs collaborateurs lituaniens éliminant alors plus de 80% de la population juive locale avant la fin de l’année: c’est “la Shoah par balles”. Hilel a été tué par des collaborateurs lituaniens le 21 juillet 1941 dans les forêts de Puzai, avec la plupart des autres hommes de Skaudvilė. Les femmes (dont sans doute Osnat) et les enfants ont été soumis au travail forcé dans les fermes des alentours, avant d’être massacrés à leur tour dans la forêt de Gryblaukis le 15 Septembre.
En mémoire de sa mère, Moshe Zilberg a prénommé sa fille Osnat. Elle aussi a accompli une carrière juridique, mais nous n’avons pas réussi à prendre contact avec elle.
Félicitation pour ce travail de recherche minutieux !
Signé : responsable Centre de Documentation et d’Information au lycée Prinz Henrik de Copenhague, au Danemark.
Félicitations à tous pour ce très beau travail de recherche et de mémoire !
Je me réjouis de savoir que vous poursuivez ce magnifique projet !!!
Une belle leçon de d’histoire et d’humanisme !
Bravo !!
M. Chesne, proviseur Lycée Français Prins Henrik
Cher monsieur le Proviseur,
nos compliments à votre établissement, à l’équipe éducative et aux élèves engagés. Merci pour votre contribution remarquée à notre ambitieux projet.
Serge Jacubert, membre du Conseil d’Administration, chargé des relations avec les enseignants
[…] 2nde du Lycée Français Prins Henrik de Copenhague sont heureux de nous faire partager par ce lien Convoi 77 Salomon Zilber le fruit de leurs dernières recherches réalisées dans le cadre du Projet Européen Convoi 77, […]
Très beau travail! Et accompli loin des sources ! Bravo !
Il fort probable que la personne contactée dite “nièce” l’était vraiment, malgré la différence d’orthographe des noms (très courant! ) car Salomon ZILBER signale lui-même dans sa demande d’indemnisation que son frère est le Pr Dr M. SILBERG, juge à la cour suprême de Jérusalem (pas de Z et un g) (s’agit-il de Moshe Silberg ou Zilberg, né en 1900?)
Parisien, Salomon s’est réfugié à Nice en 1940; déclaré à une adresse “officielle”, il s’est caché dans la famille de M. Jean Raybaut. Le nom de Mlle Aline Raybaut ne figure pas sur la liste de 2876 noms de personnes arrêtées et déportées, mais Salomon, si. (http://niceoccupation.free.fr/arrestations-et-deportations-liste-de-2876-noms.html)
Le 13 janvier 1947, plusieurs personnes à Paris (Tribunal du IXe arrondissement) témoignent de son identité, alors qu’il ne peut obtenir en Lituanie le certificat de naissance dont il a besoin pour sa naturalisation. On apprend dans ce document du greffe du Tribunal qu’il était sur le point de se marier avec une jeune femme résidant à Nice.
[…] par la classe de 2nde 1 (année 2017-2018) Salomon Zilber, http://www.convoi77.org/deporte_bio/salomon-zilber/ »> par la classe de 2nde 1 (année 2018-2019) Chasja Moinet, […]